84 LA PREMIÈRE CARRIÈRE DE SÉNÈQUE
laquelle on était tombé ne valait pas mieux. Qu'im-
portait que le despotisme fàt exercé par un seul où
par une oligarchie de favoris, que les abus fussent
ambition égoïs(e que ne relève aucune vue désintéressée. Nous aper-
cevons après coup l'importance de leur rôle historique ; mais, s'ils
contribuent au progrès admit stratif, c’est à leur insu; s'ils agissent
dans le sens des destinées générales de l'Empire, c’est sans prémé-
ditation, sans conscience claire de l’œuvre à laquelle ils participent,
sans préoccupation de l'avenir. Ils ne sont d’ailleurs, à aucun degré,
des fonctionnaires do l’État. Contrairement à ‘ce qui a lieu dès le
temps d'Auguste pour les ‘hevaliers romains chargés de procura-
tèles, is ne touchent pas d’appointements fixes; leur maître les
rémunère à sa guise, comme ses autres serviteurs. La puissance
exceptionnelle à laquelle ils atteignent momentanément sous Claude
est due à la fois aux circonstances et à l'adresse particulière de
quelques hommes. Après eux, le mécanisme administratif qu'ils
ont inauguré subsiste, mais durant tout le premier siècle pas un
affranchi impérial ne reprend dans le gouvernement la place que
s’y étaient faite un Narcisse ou un Pallas ; leurs successeurs sont
des serviteurs plus ou moins fidèles, plus ou moins entreprenants,
mais des subalternes sans grande influence sur la marche générale
des affaires. Ce n’est qu'à partir de la réforme d'Hadrien, qui confie
tous ces postes à des chevaliers romains, que les procuratèles
deviennent officiellement des charges publiques et s'organisent
définitivement comme autant de ministères. — Le règne de Claude
lui-même se divise, 'à cet égard, en deux parties nettement dis-
tinctes. Avant Agrippine, loligarchie des affranchis ne se contente
pas d’administrer, elle gouverne ; la nouvelle organisation se fonde,
mais fonctionne d’une manière anarchique : Claude n’a aucune auto-
rité sur ses bureaux : Messaline est dénuée de génie politique; elle
se querelle d'ailleurs avec les affranchis, qui finissent par se coali-
ser contre elle et par la perdre ; enfin les a‘franchis ne s'entendent
pas non plus entre eux. Leurs luttes quand il s’agit de remarier
Claude le montrent avec éclat. Du jour où elle devient impératrice,
Agrippine rétablit proprement la monarchie à son profit : elle gou-
verne, et les affranchis, passant au second plan, doivent administrer
sous ses ordres. Pallas, qu'elle a su enjôler, s’efface de bon gré;
Narcisse au contraire résiste, s’obstine, et succombe. Ce ne sont
plus dès Lors les affranchis, c'est Agrippine qui fait la force et l'unité
de l'administration impériale.
Sur cette question, consulter Hirschfeld, Die kaiserlichen Verwal-
tungsbeamten bis auf Diokletian (2° éd.) ; Cuq, Mémoire sur le « Con-
silium principis » d'Auguste à Dioclélien (dans les Mémoires présen-
tés à l'Académie des Inscriptions el Belles-lettres, t. IX, 4ro série,
% partie, 1884); Bloch, art. 4b epistulis dans le Dictionnaire des Anti-
quités de Daremberg et Saglio: Cagnat, art. Procuralor dans le
même ouvrage.