L'ANARCHIE GOUVERNEMENTALE SOUS CLAUDE 91
laquelle il conservait les insignes et les prérogatives
de son rang. l
Aucun terme n'était fixé à la durée de la relégation.
L’interné était entièrement libre de ses mouvements
et de ses actes dans les limites du territoire qui lui
était assigné ; s’il en sortait sans autorisation, il s’ex-
posait à une aggravation de peine. La confiscation
totale de ses biens et la privation de ses droits de
citoyen pouvaient transformer en déportation la sim-
ple relégation ‘.
Tel était le régime auquel fut soumis Sénèque. Le
lieu de séjour qu’on lui imposa fut la Corse. Peut-être
faut-il voir dans la désignation de cette île un effet
de la mansuétude ambiguë du prince à son endroit.
Îl aurait pu, comme tant d’autres, ètre envoyé dans
quelque île lointaine de la mer Égée : à Sériphe, à
Donuse, à Gyare, rocs déserts sur lesquels, manquant
du nécessaire, on vieillissait dans l'oubli; à Lesbos,
où l’on jouissait d’une vie facile à quatre cents lieues
de la patrie. Alleren Corse était à peine un voyage :
on s’embarquait généralement * au port de Populo-
nium*; on longeait l’île d'Elbe; le trajet n'était
guère que de 80 kilomètres. De la côte corse, par les
temps clairs, on distinguait nettement l'Italie. Les
Communications avec Rome, sans être fréquentes,
élaient moins rares et moins lentes que dans les
archipels asiatiques. À ne regarder que la distance,
C'était un exil assez doux.
‘ La pénalité ne paraît pas avoir été bien déterminée sur ce point
avant le règne d'Hadrien, qui la fixa par un édit (Dig., XLVILL, x1x, #).
ÉStnabon, V, 10/6. CE Tite-Live, XXX, 39; Rutilius Namatianus,
De Redilu suo, I, 431 et suiv.
F Ou Populonia, en Étrurie. Aujourd'hui Porto-Baratto, port de
Piombino.