L'ÉDUCATION DE NÉRON 157
quelque chose sur une nature si foncièrement gâtée ?
Peut-être, car on avait à faire à un esprit mobile, à
un tempérament assez souple. Mais il eût fallu d’abord
arracher l'enfant maudità son milieu d’origine, comme
On déracine un jeune arbre qu’on transplante pour le
Sauver, C'est ce qui n'était point arrivé. Ses premiè-
res années avaient été misérables. À deux ans il avait
perdu son père. Peu après, sa mère fut exilée. Seul
sur la terre, dépouillé de tout, il était tombé entre
les mains de sa tante Domitia Lepida, femme aux
mœurs équivoques, hautaine, violente, aussi dange-
reuse qu'Agrippine. Elle le recueillit dans le plus
complet dénuement, pourvut au nécessaire, et lui
donna pour pédagogues un danseur et un barbier*.
Revenue d’exil, Agrippine reprit son fils. Ils recou-
Yrèrent leurs biens confisqués ou volés, et Néron fut
livré alors à l’un des hommesles plus vils de l’époque,
cet Anicetus qui plus tard devait être l’inventif auxi-
liaire de ses crimes les plus impies *. Bref, jusqu’au
jour où Sénèque le reçut, l’éducation du jeune prince
availété aussi futile et aussi pernicieuse que possible.
Elle n’était pas dénuée d’inconséquences. Comme
Néron, passionné pour les chevaux dès son âge le
plus tendre, ne cessait de discuter avec ses camarades
les événements du Cirque, on lui interdit d’en parler.
Mais on le faisait caracoler devant le peuple, à la
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Suétone, Nero, 6; Tacite, Ann., XIL, 64. — Domitia Lepida était
la Propre mère de Messaline.
? Tacite, Ann., XIV, 3.— Josèphe ( Lovd."Aoy., XX, vi, 9) mentionne
Un autre pédagogue ou gouverneur de Néron, Beryllus (confondu à
tort avec Burrus dans certaines éditions; cf. Pauly-Wissowa, art.
Beryllos), qui paraît également peu recommandable.
* Suétone, Nero, 22.