STOICISME ET ÉPICURISME 2415
avec Acté, prêta son nom à Néron ; les cadeaux que
l’affranchie recevait de son amant furent censés venir
de Serenus‘. Singulière posture, il faut l'avouer,
pour ce néophyte du stoïcisme ; singulier abus d’au-
torité de la part de son directeur de conscience!
Mais, une fois de plus, ne jugeons pas trop les anciens
sur nos idées : le sentiment de l’honneur et de la
moralité a infiniment varié d'eux à nous. Le sévère
Tacite, qui rapporte le fait, n’en paraît pas autrement
offusqué.
L’intérèt politique justifiait tout maintenant aux
yeux de Sénèque et commandait toute sa conduite.
Il ne se borna pas à faciliter les amours du prince;
il conclut tacitement avec Le groupe des débauchés un
véritable pacte d’alliance. Il lui répugnait pour plus
d'un motif de s'attaquer en Agrippine à la mère,
après s'être attaqué au tyran. Mais il trouvait fort
pertinent de laisser faire par d’autres cette besogne.
Les Othon, les Sénécion, les Acté étaient tout dési-
gnés pour cela. Aussi vit-on, spectacle inattendu, le
Stoicien Sénèque et l’austère Burrus s’adjoindre pour
servir leurs desseins les plus brillants sujets de la
jeunesse dorée de Rome, et Agrippine défendre péni-
blement contre cette coalition de la sagesse et de la
licence les restes chancelants de son crédit.
Voyant qu'on ne craignait plus sa colère, que ce
qu’elle perdait par ses récriminations, ses adversaires
le gagnaient par leur complaisance, Agrippine essaya
de changer de tactique et de se faire plus complai-
sante qu'eux. Elle n’hésita pas, pour leur arracher
Néron, à s’infliger la dure humiliation de se démentir,
1 Tacite, Ann., XIII, 43.