PRINCIPES ET PROGRAMME 245
philosophie politique de Sénèque. On peut résumer
comme il suit la doctrine qui s’y fait jour.
La nature crée tous les hommes égaux ; ce sont les
accidents de la fortune et les nécessités de la vie
sociale qui établissent entre eux des, différences de
condition. Mais la nature crée les hommes solidaires
les uns des autres’ et les pousse, par un invincible
instinct, à se grouper, à se choisir un chef : en vertu
d’une sorte de contrat naturel, ils défèrent à l’un
d'eux, qui reçoit le nom de roi ou de prince, le soin
de diriger la collectivité et de veiller aux intérêts
communs. Se soumettre au gouvernement d’un roi
est un acte de sagesse, qui ne porte aucune atteinte
à l'indépendance morale des sujets. La souveraineté,
en effet, réside et ne réside jamais que dans le peuple”:
il peut la commettre à qui bon lui semble, nul ne
peut l'en dépouiller. Le prince est fait pour le peuple,
et non le peuple pour le prince* ; Putilité publique
est la raison d'être de son pouvoir. Le prince doit se
considérer moins comme le maître que comme le
tuteur de ses sujets’. Il est à la masse des individus
ce que l'âme est aux membres et aux parties du
corps’. Sans doute la domination du prince sur la
foule des autres mortels est analogue à la domination
des dieux sur le genre humain; il est même le vicaire
! CE. Epist., XC, 3 : inter homines consortium.
F DE Clem., L vu: Epist., XIV, 1: singuli quibus potestas
Populi et in populum data est; XG, 5.
* De Clem., I, xix, 8: non rem publicam suam esse, sed se rei
Publicæ. ;
* De Clem., 1, 1, 5: 1v: xvinr. — Cf. 111 : quem omnes non {am supra
se esse quam pro se sciunt.
* De Clem., I,1 ; mi-1v.