L'ÉMANCIPATION DE NÉRON 855)
nête. Il semble qu'on ne pût la voir sans convoitise.
Moins voluptueuse elle-même qu’intéressée, elle se
Sardaiït sagement des faiblesses de l'amour et voilait
de dehors modestes l'indépendance de ses mœurs.
Elle s'était mariée honorablement et avait un fils légi-
time, mais ne distingua jamais un mari d’un amant'.
Fut-ce Néron, fut-ce Othon qui la séduisit le pre-
Mier ? L'empereur demanda-t-il à son ami de remplir
auprès d'elle l'office que Serenus avait rempli auprès
d'Acté ? L’avait-il même chargé de la débaucher pour
lui? Les récits ne concordent pas ?. Toujours est-il
Qu'elle quitta pour eux son foyer, qu'ils partagèrent
ses faveurs et finirent par se les disputer. Elle divorca,
épousa Othon, pénétra sous ce couvert dans l’inti-
mité du prince et se livra, l’âme tranquille, au plus
0Sé libertinage. Une chose ne laisse guère place au
doute : c'est que la conduite de Poppée fut pleine de
Préméditation et de calcul. Elle s’approcha de Néron
habilement, comme d’une place à assiéger, l’investit
de ses caresses et de ses artifices, le subjugua en fei-
S8nant la passion, puis le scrupule ou le dépit. Et,
| Œuand elle eut tiré d'Othon tout ce qu’elle en pouvait
altendre, un nouveau divorce la rendit libre, lui per-
Metlant d'espérer, pour un avenir plus ou moins
Proche, le titre même d'impératrice. Othon, victime
de tant d'intrigues, tomba de disgrâce en disgrâce.
Sans les obligations que lui avait Sénèque, il eût
Souru les plus grands risques : exclu de l'intimité du
. Tacite, Ann., XII, 45 ; Dion, LXH, 98 : Plutarque, léA6aç, 19 ;
Pline, Nat, Hist, XI, 41 (96); XXVILE, 42 (50); XXXIIL, l'A (49) ;
AXXVI, 3 (12) ; Juvénal, Sat, VI, 462 et suiv.
*Tacite, Ann., XUI, 45-46: Hisé, I, 13: Suétone, Ofho, 3: Plu-
larque, Fé6xs, 19-20 : Dion, LXI, 41.