358 LA RETRAITE DE SÉNÈQUE
demeure. Mieux valait préparer les voies : Poppée
n’était pas si pressée, et il lui importait d’abord de
se débarrasser d'Agrippine, sa seule rivale à propre-
ment parler.
Pendant quatre ans la mère de l'empereur n'avait
pas exercé la moindre action sur les affaires publi-
ques. Elle avait même eu peu de rapports avec son
fils, vivant, comme nous l’avons dit, dans une demi-
disgrâce où les tracasseries ne lui étaient pas ména-
gées’. Elle fuyait le séjour de Rome, qui lui devenait
insupportable ; puis un invincible désir de s’imposer
au moins par sa présence la ramenait de Tusculum
ou d’Antium, et c’étaient d’incessantes tribulations
où sa patience s’usait. Nulle part elle ne se sentait en
sûreté : elle s’entourait en secret de précautions de
toute espèce et, par prudence, s’habituait aux poi-
sons?. Mais jamais cette femme opiniâtre n’accepta
sa déchéance. Disparaissant et reparaissant tour à
tour, elle faisait encore illusion au public, qui l’ac-
cusait de peser sourdement sur les actes de son fils.
Elle ne se contentait pas, d'ailleurs, du rôle de per-
sonnage muet : à l’occasion, elle proférait des repro-
ches ou des menaces qui n'étaient pas sans émou-
voir Néron. Il se souvenait qu'une nuit d’effroi il avait
failli la mettre à mort, et peut-être, en de mauvaises
heures, se repentait d'avoir reculé. Au fond, il avait
peur d'elle, et, si d’autres n’y eussent veillé, fût
retombé sous sa domination.
Agrippine, depuis le meurtre de Britannicus, affec-
‘
4 Il est remarquable que le nom d’Agrippine ne reparaît plus dans
le livre XIII des Annales de Tacite à partir du chapitre 22. Cf. Ann.,
XIV, 12: labante jam Agrippina.
? Tacite, Ann., XIV, 3: Suétone, Nero, 34.