402 LA (RETRAITE DE :SÉNÈQUE
tout, raprès une carrière bien remplie, se livrer au
repos en toute sûreté de conscience. Entre l'opti-
misme-confiant, radieux, presque exubérant du livre
Du Bonheur et le ton de fermeté triste’et résignée du
livre De l'Oisiveté, le contraste est tout à fait frap-
pant.
Ce ton sera désormais celui de presquertoutes les
paroles de Sénèque lorsqu'elles auront quelque :rap-
port à sa situation présente. Qu'on relise la collection
de ses lettres à Lucilius, pleines de retours sur lui-
même et sur-sa vie passée : la même note règne d’un
bout à l’autre. Ici, il reprend le thème développé dans
le traité De l'Oisiveté : le stoïcisme n'exige pas ‘de
ses adeptes qu'ils persévèrent dans l’action ‘contre
toute chance de succès, ni qu'ils y sacrifient leur
honneur’. Là, il déclare que le sage doit s'abstenir
avec soin, avec crainte, d’offenser ceux qui détien-
nent le pouvoir, quels qu’ils soient ; loin de provo-
quer jamais leur colère, il l’évitera comme le navi-
gateur évite la tempête *. Du souvenir de ses épreuves
il tire une foule de conseils pratiques : écarlons-nous
des puissances qui peuvent nous nuire, mais gar-
dons-nous d’avoir l'air de les fuir, car ce qu’on fuit,
on le condamne ; ne possédons rien qui puisse
tenter les ravisseurs : c'est plus ordinairement par
caleul qu’on nous dépouille que par haine, le pauvre
passe en paix au milieu des larrons*. Nul doute
qu'il ne songe à lui-même lorsqu'il se demande:si
Caton n’eut pas tort de se mêler à lapolitique dans
un temps :où la république, devenue Ja proie’des
‘ Epist., XXII.
2 Epist., XIV, 1.
8 Epist., XIV, 8-9. C£. XVII, 3 et suiv.