26 LA PREMIÈRE CARRIÈRE DE SÉNÈQUE
rellement admirable : « Aussi son corps, ajoute
Sénèque, n’a-t-il jamais trahi les élans de son âme
ardente”. » Une âme robuste dans un corps robuste :
là est la perfection de l'être humain, car l'âme dépend
en grande partie du corps. On est en droit de suppo-
ser que, dans le programme d'éducation fait par
Sénèque en vue de ses fils, le corps ne fut pas sacri-
fié.
Néanmoins, la santé de Lucius s’altéra très tôt et
resta fragile : il avait, comme son frère Novatus, la
poitrine délicate, s'enrhumait facilement el commet-
tait de grosses imprudences?. A l'époque de son ado-
lescence, il fut pris de consomption et maigrit d'une
manière affreuse; il était sujet aux syncopes. En-
trainé par la doctrine stoïcienne du suicide, il réso-
lut plusieurs fois d’en finir avec la vie : le chagrin
qu'il causerait à son père le retint®. Mais il fut, tant
qu'il vécut, aussi paresseux de corps* que diligent
d'esprit, érigea en théorie qu'il était indigne d’un
lettré de perdre le temps à développer ses muscles,
qu'un minimum d'activité physique était la meilleure
condition du travail intellectuel; et, parce que
l’amour de l’étude lui avait rendu le goût de vivre, il
alla jusqu’à ce paradoxe, que, pour guérir les maux
du corps, rien n’est plus efficace que le labeur de l’es-
prit”. Nous voilà loin des idées du père.
Le cours d'études des trois garçons fut conforme,
‘ Sénèque le père, Controv., 1, præf., 14-46.
* Comme lorsqu'il prenait des bains froids au mois de janvier. Sé-
nèque, Epist., LXXXIII, 5. à
Epist., LXX VII, 1-2; LXXVII, 9.
! Voir, par exemple, Epist., LV, 1.
5 Epist., LXXVIIL 8.
HR