28 LA PREMIÈRE CARRIÈRE DE SÉNÈQUE
générale de la première enfance, c'était un commen-
cement de spécialisation, un prélude à la vie poli-
tique, et déjà comme un pied posé sur le chemin des
« honneurs» : telles du moins apparaissaient les
choses au vieux Sénèque. Nous pouvons croire qu'il
redoubla de sollicitude et gouverna lui-même dans
une large mesure ce précieux apprentissage. Un
point auquel il tenait entre tous était la culture de
la mémoire : il en avait une merveilleuse et n'ad-
mettait pas qu'on laissât s’engourdir cette faculté
incomparable ‘. Mais sa vigilance dut porter égale-
ment sur tout ce qui contribuait à former l’orateur.
Surtout il dut être en garde contre les mauvaises
habitudes qui se prenaient dans les écoles, où tant
d'élèves bornaient leur effort à répéter et à plagier,
ne devenaient que les perroquets de leurs maîtres? :
exciter la spontanéité et développer la personnalité
de chacun fut certainement un de ses principes en
matière de rhétorique.
Ses intentions étaient excellentes, sa méthode
n'était pas mauvaise. Il n'eut pas un instant l’idée
qu’il faisait peut-être fausse route. I] aspirait pour
ses enfants aux gloires de la curie et du Forum; la
force de la tradition et du préjugé lui fermait les
yeux sur les obstacles : témoigner d’autres goûts,
poursuivre un autre idéal, ne pas ressentir une am-
bition que leur naissance même réclamait d'eux,
c’eût été, de leur part, déroger. Aveuglement de pro-
vincial, avide de voir sa lignée conquérir les plus
hautes places et s’égaler aux descendants des plus
4 Controv..i, præf., 2-3; 10.
* Ibid., præf., 10.
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