CONCLUSION 457
contribueront pour une large part à l’accélérer. Après
Sénèque, les « antiques droits.» du Sénat ne seront
plus qu'un vain mot. Au point de vue moral et
social, le gouvernement de Sénèque manifeste au con-
traire des tendances nouvelles. Il est précisément
comme l'annonce et l'ébauche de ce que sera, le mo-
ment venu, ce doux et vertueux gouvernement des
Antonins. Il crée presque une tradition. Il crée au
moins des habitudes, laisse des exemples, lance des
idées qui se perdront d'abord et se retrouveront en-
suite. Il montre, timidement encore, mais mieux qu'on
ne l'avait fait avant lui, que Îles devoirs de l'État à
l'égard de ceux qui vivent sous sa loi sont aussi
étendus et aussi complexes que la vie sociale elle-
même. Il n’est pas absolument le point de départ de
ce progrès des idées et des mœurs qui aboutira à
l'institution d’une législation plus humaine et à la
distribution d’une justice plus égale, mais ilenest la
première élape nettement caractérisée.
Continuateur lointain d'Auguste, précurseur loin-
tain des Antonins, liant le passé à l'avenir par-dessus
l'abime des tyrannies sanglantes et des révolutions
militaires, Sénèque, en tant qu'homme d'État, a done
bien mérité non seulement des hommes desonépoque,
mais de la postérité civilisée tout entière. D’autres
ont eu plus de génie politique, ont gouverné avec
plus d'éclat ou fondé des institutions plus durables.
Ti n’était que philosophe. Mais sa philosophie lui com-
mandait l'amour des hommes, le dévouement au bien
public, la propagande de la vertu. Il pratiqua ces
préceptes toute sa vie ; illes pratiqua au pouvoir. Son
influence de moraliste se fitsentir d'une manière aussi
efficace sur l'administration de la chose publique que