LA PHILOSOPHIE ET LA POLITIQUE 47
effet pour qu'un disciple de la sagesse, participant à
l'administration de l’État, rende d’appréciables ser-
vices. Mais ce n’est pas là un devoir absolu. C’est un
devoir subordonné à certaines conditions ; ces condi-
lions étant absentes, il peut être plus raisonnable et
plus vertueux de demeurer dans l'inaction ‘. Le
Sloïcisme ne condamne pas l’oisiveté ; il ne proscrit
que l’égoisme.
La condition suprème est l'opportunité : agir à
Contretemps est le fait de l’insensé ; agir et s’abs-
tenir à propos, le propre du sage. « Le sage, ensei-
gnait Chrysippe *, participera aux affaires publiques,
à moins que quelque chose ne s’y oppose. » Il y a
par conséquent des cas où l’abstention devient obliga-
toire. Quels sont ces cas ? C’est plus difficile à dire.
I n’eût pas été prudent de donner une réponse trop
Simple, trop absolue, à une question si grave et si
complexe, qui intéresse à la fois le sort de l'individu
et la destinée de la nation. Agir ou ne pas agir : le
Problème peut, à certains moments de l'histoire,
être singulièrement troublant, et engager au delà de
toute prévision notre responsabilité quand nous
l'avons résolu. Comment le trancher une fois pour
toutes? Qui eût osé dicter d’un mot à tous les Stoï-
Ciens futurs leur conduite pour toutes les situations
* Une inaction relative : le sage trouve moyen, en tout état de
Cause, de travailler au bonheur d'autrui. Voir la critique que fait
Sénèque (De Tranquill. animi, II et suiv.) des idées d’Athenodorus,
philosophe qui conseillait en principe l’activité politique et privée,
En pralique une retraite laborieuse qui ne rompît pas entièrement
les liens sociaux.
* Heot Blwv, I (cité par Diogène, Zhvwy, 64). — Sénèque (De Olio,
ILE, 2) attribue le même précepte à Zénon, mais dans un passage
où le nom de Zénon (opposé à celui d’Épicure) semble employé
Pour désigner le stoïcisme en général.