58 LA PREMIÈRE CARRIÈRE DE SÉNÈQUE
une accalmie trompeuse des fureurs de Tibère laissa
croire à quelques-uns qu’une ère meilleure allait
s'ouvrir’. Le moment put sembler bien choisi pour
ce philosophe impatient d'agir, âgé déjà de trente-cinq
ans, de sortir enfin de son oisiveté. Sa tante l’aida
dans ses démarches et surmonta, pour lui obtenir
cette charge, son excessive timidité : « Elle se fit, dit
Sénèque, intrigante pour l'amour de moi?. » Elle eut
sans doute à solliciter certains membres du Sénat,
peut-être le prince lui-même. Tout candidat qui se
présentait devant le Sénat devait, en outre, se faire
appuyer par des suffragatores, personnages influents
qui, comparaissant avec lui, témoignaient en sa
faveur. Il fallait s'assurer de longue main de pareils
soutiens. Parents et amis s'y employaient, négligeant
au besoin en faveur du candidat leurs affaires parti-
culières. Les femmes se mêlaient souvent à ces
menées, qui n'avaient rien que d’honorable.
Comme on était questeur désigné un an avant
d'entrer en fonctions, la questure de Sénèque ne peut
se placer au plus tôt qu'en 33°. Ce dut être un évé-
nement marquant dans la famille que cette accession
d’un Annæus à la première magistrature sénalo-
riale, — même si, comme il est vraisemblable, Nova-
tus y avait précédé son cadet. Malheureusement la
questure n'était plus guère à ce moment, comme la
plupart des charges républicaines conservées par
Auguste, qu'une prérogative honorifique : il pouvait
‘ Dion, LVIIL, 12; cf. 16; 419.
? Ad Helv., XIX, 2.
* La date n'est nullement certaine. On peut seulement établir,
avec une très grande vraisemblance, que Sénèque entra au Sénat
sous Tibère. Cf. Sénèque, £pist., XI, 4; v. Jonas, De ordine librorum
Senecæ philosophi, p. 12.