LA TYRANNIE SOUS TIBÈRE ET SOUS CAIUS 59
être avantageux d’être attaché comme questeur à la
personne de l’empereur ou à celle d’un consul, ce
qui arrivait à quelques-uns; mais le pouvoir réel, la
responsabilité effective d’un questeur étaient pres-
que insignifiants. Au Sénat, le simple questeur comp-
tait peu’, surtout lorsqu'il n'était pas issu d’une de
ces maisons illustres où l’on avait de père en fils son
siège à la curie.
Que faire d’ailleurs au Sénat en de pareils temps ?
Si le prince avait gouverné suivant les préceptes
d’Auguste, le rôle du Sénat dans l'État eût été pré-
pondérant : les affaires les plus importantes auraient
passé par ses mains, ses délibérations eussent été
sincères, ses décisions, ses vœux même se fussent
imposés à l’empereur comme lexpression de la
volonté publique. Le prince évitant d’empiéter sur
les attributions du Sénat, sollicitant ses avis, affec-
tant même de ne se regarder que comme le déposi-
taire du pouvoir exécutif : tel était en effet Le specta-
cle qu’on avait eu sous Auguste, qui y mettait plus
d’habileté que de véritable déférence, et durant de
longues années sous Tibère lui-même. On a dit avec
justesse que les institutions d'Auguste avaient fait
passer le centre de gravité de l’État du Forum à la
Curie. Tibère l'y avait longtemps maintenu. Puis il
avait rompu cet équilibre : Caprée était devenue le
siège de la toute-puissance ; la terreur avait com-
mencé. La lex majestatis créait et condamnait les
suspects. Le sang coulait; on exécutait par fournées.
La vie privée était espionnée, les dénonciateurs sti-
mulés par les primes et les encouragements officiels :
‘ Il n'était même pas encore sénateur en titre, mais seulement
admis à parler devantle Sénat.