70 LA PREMIÈRE CARRIÈRE DE SÉNÈQUE
insensiblement dans le monde le goût du luxe et de
l’opulence. La philosophie condamnait les passions
en termes magnifiques ; le monde prêchait par son
exemple l'abandon à toutes les jouissances et le
relâchement des mœurs. A toutes ces séductions
Sénèque résistait mal. Aux habitudes et aux besoins
que l'étude lui avait créés s’opposaient de nouveaux
besoins et de nouvelles habitudes. Disciple de l’an-
tique sagesse, il était en même temps l'élève de la
société corrompue de son siècle. Par là s'expliquent
en grande partie les contradictions apparentes,
comme les fluctuations réelles, de son esprit et de
sa conduite.
Au reste, la vie mondaine ne fit jamais tort à ses
affections de famille. Il chérissait sa mère, avait
pour elle la plus vive admiration et, depuis qu’elle
était veuve, s'était encore rapproché d’elle. Elle fut
éprouvée vers ce temps par une série d’infortunes
diverses ! : il la soutint et la réconforla mieux que
personne. La vue de ce fils bien-aimé, qui souriait
d’aise dès qu’il l’apercevait, suffisait à la dérider ; le
son de sa voix était un soulagement pour elle. Leurs
entretiens élaient interminables : elle lui confiait
tous ses soucis ; il la mettait, pour la distraire, au
courant de tous ses travaux?. Pleine de bonté pour
ses enfants, dont elle géra le patrimoine avec un soin
et une discrétion rares, paraît-il, à celte époque”,
elle avait mille titres à leur reconnaissance; à Sénèque
elle ne savait rien refuser ‘. Près d'elle, fidèle comme
! Sénèque, Ad Helv., IL, 5.
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