Full text: 1.1928=Nr. 4 (1928000400)

I • 
52 1 ATHÉNA 1 
d’Alfred de Vigny je le vois or et Meu, du 
bleu d’un manteau de soldat couvert de pour- 
siére, de l’or des épaulettes terni par une plnie 
de novembre... 
*55= 
* * 
Des l’an de gráce 1344, Richard de Bury, 
évéque de Durham, s'extasia.it déjá sur les 
livres qu’il chérissait et sur les bienfaits et les 
charmes de la lecture. 
—“Voil/a, écrivait-il dans son Philobiblion, 
les maitres qui nous instruisent sans verges ni 
férules, sans mots durs ni coléres, sans deman- 
der cadeaux, ni argent. Si vous vous appro- 
chez d’eux, ils ne clorment pas; si vous les in- 
terrogez d’un regard scrutateur, ils ne vous 
cachent rien; si vous les méconnaissez, ils ne 
se plaignent jamais: si vous étes ignorants, ils 
ne peuvent vous railler...’” Que dirait à pré- 
sent le bon evêque? II ne possédait, sans doute, 
que des volumes peu nombreux, un Virgile, un 
Horace, un Lucréce, les Bvangiles et quelques 
poetes na'ífs. 
Qu’eut-il dit s’il eüt pu lire Shakespeare et 
Milton, Swinburne, Shelley, Kipling et Wells 
pour ne parler que des faiseurs de livres de 
son pays? 
Ce bon Richard de Bury, qui se contentait 
de ces compagnons peu nombreux et peu diver- 
tissants, m’attendrit, mais nous luí ressemblons 
peut-étre. 
Le livre ne s’arrétera pas ou nous le voyons. 
Déjá, le papier imprimé que nous aimons 
(¡omine le CSiinois aime 1 'opium et 1 ’ivrogne 
le vin, est, si nous en croyons un magazine 
étranger, appelé à disparaitre. 
II y a longtemps, à un journaliste qui le 
questionnait, M. Thomas Edison, le sorcier 
amérieain, répondit: 
Le papier disparaitra. Pour les livres, des 
feuillets de nickel, épais, d’un quatre milliéme 
de millimètre, se substitueront à vos japón, à 
vos vélins désuets, reeéleurs de microbes et 
puant le remugle. La feuille de nickel accep- 
tera eomme eux 1'enere d ’imprimerie, et tel 
bouquin de deux centimétres et demi d’épais- 
seur contiendra quarante mille pages et ne 
contera que six franes...” 
Seignem ! tout Balzac et tout Hugo dans un 
«alepín qu’on portera dans la poche de son 
gilet, fonte la Bibliothéque Nationale dans une 
petite bibliothéque tournante!... 
Edison ne doit pas être bibliophile. II ne 
parlerait pas ainsi, il saurait que ce qu’il ap- 
pelle le remugle des japón, des hollande et des 
vélins, l’odeur de fleur morte et poudreuse des 
papiers de luxe est un parfum divin au nez et 
au ceeur de 1'amateur de livres. 
Ce n’est pas à ces volumes de métal que je 
veux penser aujourd’hui. Je ne les verrai pas 
et je crois, si je les voyais, que je ne les aime- 
rais guéres, mais je me sens pauvre de tout 
ce qu’ils contiendront et que je ne connaitrai 
jamais. 
Quel romans, quels poémes lira-t-on dans 
plusieurs siécles, et que seront les bouquins de 
1 ’an 3000? 
LÉO LARGUIER 
o. 
§! 
TU)
	        
© 2007 - | IAI SPK
Waiting...

Note to user

Dear user,

In response to current developments in the web technology used by the Goobi viewer, the software no longer supports your browser.

Please use one of the following browsers to display this page correctly.

Thank you.